1. Éléments de problématique
Le rapport de la Commission Mondiale sur les Migrations Internationales (CMMI) remis au Secrétaire Général des Nations Unies le 05 octobre 2005 postulait que la distribution géographique inégale des opportunités socio-économiques, les problèmes de gouvernance et de respect des droits humains, feront que le nombre de personnes cherchant à migrer va s’accroître sensiblement. Ainsi, même si le Mali a une longue tradition en matière de migrations, le contexte actuel caractérisé par un taux de croissance démographique élevé et une population jeune[1], les sécheresses et autres phénomènes climatiques extrêmes, les multitudes de conflits, est de nature à aggraver les pressions migratoires. L’émigration en dehors de la région est aussi en augmentation. Et du fait de la proximité géographique du Mali de l’Afrique du Nord, il est aussi à la fois un pays de départ et un pays de transit.
Selon les données nationales, près de 4 millions de Maliens vivent à l’étranger, principalement dans les pays d’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Sénégal, Mauritanie) et de plus en plus d’Europe (pour près d’un jeune migrant sur cinq)[2]. L’ampleur du phénomène migratoire au Mali se caractérise d’une part par l’importance des flux migratoires[3] et d’autre part du volume[4] des transferts de fonds des migrants (es), qui est passé de 937 millions USD en 2016 à 1059 millions USD au cours de l’année 2017[5]. En termes de contribution à l’économie, cela représenterait 6,7% du PIB en 2017[6]. Même le montant net a enregistré une diminution en 2018 (900 millions de dollars), il représentait environ 7% du PIB[7]. Si ces transferts sont significatifs en matière de volume, ils sont en majorité affectés à des dépenses de consommation des ménages et très rarement aux investissements productifs. Pour tirer pleinement parti de sa diaspora, la Politique Nationale de Migration (PONAM) se propose dans son axe 4 de « valoriser les capacités des diasporas au développement national ».
Dans sa stratégie de mobilisation de la diaspora, le Conseil exécutif de l’Union Africaine considère que la diaspora africaine est constituée par « les personnes d’origine africaine vivant hors du continent africain, qui sont désireuses de contribuer à son développement et à la construction de l’Union Africaine, quelles que soient leur citoyenneté et leur nationalité ». Dans le cas de ce texte, la diaspora fait référence à la population de Maliens et Maliennes résidant hors du Mali. Ici, comme ailleurs, le rôle des migrations dans la transformation structurelle du pays est affirmé dans les documents de politiques, en l’occurrence la PONAM. Dans certaines régions du pays, notamment Kayes[8], les transferts de fonds et la participation au développement local de la diaspora a contribué fortement à l’amélioration des indicateurs d’accès aux services sociaux de base. Installés dans les différents pays de résidence, les maliens participent au développement socioéconomique du pays à travers la prise en charges des dépenses familiales, la réalisation des infrastructures socioéconomiques, socioéducatives, socio sanitaires et productives.
Consommation, épargne ou création de richesses : le nécessaire arbitrage
- Comme il a été déjà souligné plus haut l’importance des transferts de fonds est à relativiser pour plusieurs raisons dont, notamment :
- du fait des coûts élevés des circuits formels de transferts, une grande partie des transactions se font à travers des circuits informels[9]. Au-delà de la question de la valorisation statistique, le fait que ces flux de ressources échappent au circuit formel de distribution, ils génèrent un manque à gagner. Il est important de souligner que le contexte sécuritaire mondial actuel va renforcer le contrôle des transferts de fonds ;
- du fait que la diaspora ne dispose pas toujours d’informations fiables en matière d’investissement productif et qu’elle entretient souvent des relations de méfiance avec les acteurs institutionnels du pays d’origine, ses membres doivent continuellement choisir entre créer de la richesse au niveau du pays d’origine ou épargner dans le pays d’accueil. Dans certains cas, la diaspora a recours à la « bibancarisation[10] ». L’arbitrage penche généralement en faveur de la sécurisation d’une épargne ;
- la faible fonctionnalité des espaces d’accès à l’information qui sont également peu inclusifs ;
- dans certains cas, les membres de la diaspora choisissent d’investir dans de petites activités dans le pays d’origine afin de constituer une source de revenu dans l’hypothèse d’un éventuel retour. Dans de tels cas, il pourrait s’agir d’achat d’actifs (terres, animaux), de transfert de compétences ou de transfert de technologies
- le niveau élevé de perception de la corruption dans les services publics n’est pas de nature à inciter à l’investissement. Selon le rapport 2019 de Transparency International, l’indice de perception de la corruption était de 32[11] le classant au rang de 120ème sur 180 pays. Ce niveau de perception élevé est aussi en lien avec les perceptions de garanties en termes de sécurisation des investissements, et par ricochet la confiance dans des décisions de justice ;
Ces facteurs limitent la contribution réelle de la diaspora dans la création de richesse.
Entreprenariat, investissement productif de la diaspora et secteur privé au Mali
La mobilisation des ressources de la diaspora passera par la mobilisation de l’entreprenariat de la diaspora, la mise en place de cadre propice pour le développement du secteur privé, la création de modèles d’affaires qui soient axés sur une approche marché et la mise en place d’instruments économiques et financiers adossés à des mesures incitatives. Or, dans le contexte malien, le développement de l’entreprenariat lui-même fait face à des défis importants. Une approche marchée tirée par la demande. Le tableau ci-dessous présente les attentes des entreprises maliennes relevées dans l’édition 2018 du rapport « Baromètre de Conjoncture des Entreprises du Mali ». La demande de « revoir des procédures et mesures fiscales en favorisant les entreprises formelles » est une attente majeure pour 60% des entreprises maliennes. « Faciliter l’accès aux financements » et « faciliter l’accès aux partenariats (commercial, technique, financier) sont des préoccupations majeures de la moitié des répondants. Enfin, pour 2 répondants sur 3, « assurer la stabilité politique et la sécurité interne » est une attente majeure. Si la réalisation de ces conditions est si importante pour les entreprises maliennes, elles le sont sans doute encore plus pour les membres de la diaspora désireux de réaliser des investissements productifs au Mali.
Tableau 1. Attentes des entreprises maliennes (en %)
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Attentes des entreprises |
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mineure |
modérée |
majeure |
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Faciliter l'accès aux financements |
30 |
20 |
49 |
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Faciliter l'accès aux marchés |
33 |
30 |
37 |
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Créer des infrastructures de base |
31 |
32 |
37 |
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Simplifier les procédures de création et de développement des entreprises |
25 |
32 |
42 |
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Organiser et assainir les marchés |
26 |
23 |
51 |
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Assurer la sécurité judiciaire et juridique |
27 |
24 |
48 |
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Assurer la stabilité politique et la sécurité intérieure |
17 |
13 |
69 |
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Faciliter l'accès aux partenariats (commercial, technique, financier) |
26 |
24 |
50 |
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Faciliter l'accès aux services non financiers |
33 |
40 |
27 |
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Payer la dette intérieure |
33 |
24 |
43 |
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Revoir les procédures et mesures fiscales en favorisant les entreprises formelles |
22 |
18 |
60 |
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Promouvoir le dialogue social |
22 |
27 |
51 |
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Veiller à l'application des lois et réglementations UEMOA et CEDEAO |
25 |
24 |
51 |
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Source : Baromètre de Conjoncture des Entreprises du Mali, Rapport Final - Edition 2018
Pour les interlocuteurs, l’écosystème entrepreneurial au Mali n’est pas suffisamment attractif du fait des perceptions qu’ils en ont et qui est marqué notamment par : la faiblesse des institutions, les incertitudes de marché, des pressions fiscales importantes, la mise en application des procédures administratives et des cadres réglementaires rendue inefficace par la corruption. Le coût et les difficultés d’accès et de sécurisation du foncier sont d’autres facteurs qui ont été soulignés comme peu favorables à l’investissement productif par la diaspora.
Même les initiatives d’appui à l’entreprenariat de la diaspora n’ont pas toujours fait l’objet de recherche et d’analyse systématiques afin de prendre en compte les profils réels des migrants mais aussi et surtout les perceptions. Or, les messages génériques qui jouent sur les éléments de patriotisme et de valorisation de la contribution à la construction nationale ne sont pas suffisamment efficaces pour inciter à l’action face à ces nombreux facteurs qui incitent à la prudence dans le meilleur des cas. La mise en place d’une stratégie de communication mieux ciblée, basée sur une connaissance approfondie du profil de la diaspora et de ses demandes en matière d’investissements productifs est nécessaire dans l’amélioration de la marque « Mali ».
2. Propositions
Créer un environnement favorable
Le point de départ des mécanismes et dispositifs d’incitation performants est sans doute la création et le maintien d’un environnement favorable. Cela sous-entend un cadre basé sur une confiance entre le gouvernement du pays d’origine et sa diaspora.
Un exemple de « success story » dans ce sens est la politique rwandaise visant à attirer les investissements des États partenaires de la Communauté de l’Afrique de l’Est. En effet, cette politique a entraîné d’importants investissements kényans dans ses services financiers et a catalysé la mobilité de la main-d’œuvre en provenance d’Afrique de l’Est. Les migrations économiques intra régionales ont augmenté l’offre de main-d’œuvre du Rwanda dans les secteurs en pénurie et, via l’échange de compétences, ont contribué au développement des domaines de la finance, de l’éducation, de l’ingénierie et de l’hôtellerie.
D’autres exemples de réussite dans les divers pays de l’Asie (Chine, Corée et Inde) et de l’Afrique (Tunisie, Ethiopie, Rwanda et Sénégal) confirment l’importance de développer et vendre une spécificité « Diaspora ». L’arrivée de nouveaux acteurs (Fintech, Opérateurs de téléphonie mobile, incubateurs) seraient des opportunités pour améliorer l’environnement favorable.
Les expériences de l’Asie mais aussi de certains pays de l’Afrique du Nord prouvent également l’importance de la mise en place de parcs technologiques comme mesure d’incitation pour les membres de la diaspora hautement qualifiés. La création de ces parcs repose sur l’hypothèse que : « les personnes créatives, hautement qualifiées travaillent et vivent mieux lorsqu’elles sont entourées de leurs pairs ».
La fenêtre de l’«impact-investing »
Développer des mécanismes qui assurent un alignement entre les priorités de l’économie nationale et les mesures incitatives. Dans le cas présent cela signifie assurer un ancrage de ces instruments à la fois à la PONAM et surtout au CREDD, en tant que cadre de référence en matière de développement national. A titre d’exemple, dans le contexte actuel et compte tenu des orientations stratégiques contenues dans le CREDD, le gouvernement du Mali a trouvé opportun d’impulser l’investissement d’impact. L'investissement à impact social, ou encore "impact investing", est une stratégie d’investissement cherchant à générer des synergies entre impact social, environnemental et sociétal d'une part, et retour financier neutre ou positif d'autre part. Situé à la croisée des chemins entre philanthropie et investissement, l’investissement d’impact, initié par des acteurs privés, a vocation à apporter une réponse concrète et pérenne aux enjeux du développement durable. Les mécanismes à revisiter ou à développer doivent prendre en compte cette option, qui elle –même est en phase avec les défis réels des changements climatiques.
La tertiarisation de l’économie : une opportunité ?
Un autre élément important qui ressort de l’analyse de l’économie nationale est que à eux deux, les secteurs primaire et tertiaire représentent plus de 70% du PIB réel. Il semble donc raisonnable de prioriser ces secteurs dans les mécanismes d’incitation à l’investissement. Les conditions d’entrée dans le secondaire, en l’occurrence pour ce qui est de l’agroalimentaire et du textile, sont plus contraignantes et la faible qualité des infrastructures et services de base pour soutenir l’investissement dans ce secteur en font un secteur pas toujours attractif. Dans un contexte de forte variabilité climatique et la difficulté d’avoir accès à des produits d’assurance, l’agriculture présente de nombreux risques avec des instruments de financement peu adaptés. Les nouvelles technologies ont sans doute joué un rôle dans l’amélioration de la performance d’un secteur tertiaire avec les transports et les télécommunications enregistrant un taux de croissance annuel moyen de 7%. Ces deux sous-secteurs sont suivis, dans l’ordre, par les activités financières, le commerce et les services aux entreprises[12].
Tableau 4. Répartition sectorielle de la structure du PIB réel (en %)
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1981-1990 |
1991-2000 |
2001-2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
Secteur Primaire |
36 |
35 |
30 |
30 |
33 |
31 |
31 |
32 |
32 |
32 |
Secteur Secondaire |
16 |
18 |
25 |
22 |
20 |
20 |
21 |
20 |
19 |
19 |
Secteur tertiaire |
43 |
39 |
36 |
39 |
38 |
40 |
39 |
40 |
40 |
40 |
Taxes |
5 |
8 |
9 |
9 |
9 |
9 |
9 |
9 |
9 |
9 |
PIB marché |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
Source: INSTAT, comptes nationaux
La capacité du secteur secondaire à créer des emplois est faiblement exploitée du fait des investissements importants que ce secteur exige à l’entrée mais aussi de la faiblesse de l’infrastructure (routière, de communication, d’alimentation en énergie, etc.) qui gêne fortement l’industrialisation. Ce secteur est propice aux partenariats diasporas-public-privés permettant de bonifier les différents apports des parties publiques et privées. Le développement du tissu industriel nécessitera notamment des investissements important dans le sous-secteur de l’énergie. L’exemple de la Corée du Sud montre le rôle des investissements de la diaspora dans le développement industriel national. L’amélioration de l’environnement, de l’infrastructure de base et de la technologie en sont les préalables.
Renforcer la qualité de l’information comme outil d’aide à la décision
La qualité du dispositif national de statistique au Rwanda et l’étude pour établir des références au Sénégal sont quelques exemples qui confirment le rôle clef des statistiques dans l’amélioration des actions à entreprendre.
Impulser et soutenir des modèles d’affaire compétitifs et inclusifs
En lien avec les propositions ci-dessus en l’occurrence la prise en compte de l’impact- investing, il est important dans la mise en place des nouveaux dispositifs ou mécanismes (ou l’adaptation des anciens) de mobiliser des modèles d’affaire qui soient basés sur des partenariats. On pourrait privilégier la mise en œuvre de clusters dans les chaines de valeurs spécifiques permettant de mettre en relation deux ou plusieurs acteurs de la chaine considérée. Ces modèles peuvent avoir plusieurs formes depuis les formes de contractualisation simple entre un producteur et un acheteur /un transformateur/un vendeur, à des formes plus complexes impliquant Diaspora-partenariat -public-privé. Une telle approche devrait mettre au centre des mécanismes d’incitation des stratégies sectorielles. Un tel instrument s’adossera à une connaissance de l’écosystème, des acteurs et des contraintes spécifiques au sein de chaines de valeur, donnant la possibilité de toucher une PME ou une grappe d’entreprises en relation d’affaires avec de plus grandes entreprises intégrées dans le même mécanisme.
Appréciation de la pertinence de la mise en place d’un fonds de garanties
Les fonds de garantie ont pour objectif de faciliter l’accès au crédit des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME). En l’occurrence ils sont une réponse à la problématique de l’asymétrie informationnelle existant entre les entreprises et les banques, principal facteur explicatif de cette difficulté d’accès au crédit. Les montages des fonds de garanties doivent prendre en compte les caractéristiques principales suivantes : l’objectif[13], le taux de couverture, la propriété/ gouvernance[14], le partage des risques[15] et les critères d’éligibilité.
Les fonds de garantie présentent des avantages indéniables pour les gros investissements pour lesquels le partage des risques est une condition incompressible. Au nombre de ces avantages, on peut citer :
- la croissance des portefeuilles des PME sur base de réduction de l’aversion des banques au risque PME, ce qui encouragerait la diaspora à investir ;
- l’effet de levier induit permettant de renforcer la relation de la banque sur les segments de de chaines de valeur concernées ;
- l’impact insignifiant sur les marchés ;
- l’amélioration des processus au niveau des banques suite à l’offre de transfert et de diversification des risques[16] proposée par les garanties de risque crédit;
- l’effet d’entrainement à l’échelle du secteur financier.
Malgré ces apports importants, les fonds de garantie peuvent présenter des faiblesses dont les plus importantes sont :
- la sous-utilisation des fonds (dû à diverses raisons allant des lenteurs administratives au manque d’informations transparentes)
- la faible collecte d’information sur les entreprises et les secteurs ;
- l’inadéquation à apporter des réponses appropriées aux besoins des entreprises (non prise en compte des spécificités sectorielles, les termes et les conditions d’éligibilité) ;
- la faible soutenabilité du mécanisme dans le temps (capacité de mobilisation des ressources, de remboursement et ou de refinancement).
Sur la base de ces expériences en la matière et des échanges sur les performances des exemples actuels, on peut noter un certain nombre de contraintes structurelles qui limiteraient l’apport de ce mécanisme et inciteraient à la prudence. En effet, l’expérience des fonds de garantie avec l’Etat Malien mais aussi les projets / programmes démontrent qu’ils ne permettent pas toujours:
- le partage des risques : dans la plupart des cas, le nantissement de la garantie est perçu par les prestataires comme une assurance à couvrir les risques. Cette situation en plus de produire des distorsions dans le marché financier, n’incitent pas les prestataires de services financiers à développer des outils et une démarche pour mieux connaitre et servir les clients dans la durée. L’apport pédagogique attendu du fonds de garantie en terme de réduction de l’aversion pour les risques n’est pas bonifié ou très peu dans ce contexte ;
- l’autonomie et la stabilité : les fonds de garanties ne disposent pas toujours d’une autonomie financière, ce qui les fragilise. Couplée à la première contrainte, les deux limitent largement les chances de performance et de survie dans le temps;
- la mise en place d’une gouvernance inclusive : en tant que conditionnalité de la constitution de relations fortes avec la diaspora est difficilement envisageable dans le cas d’un fonds de garantie ;
- de fournir un service complet : le besoin de coupler le financement à l’apport d’assistance technique est difficile à satisfaire dans le cadre strict d’un fonds de garantie ;
- la mise en place d’une interface vers des relations d’affaires solides ;
- un montage PPP qui catalyse les sources de financement (diaspora, publique et privée) ainsi que les partenaires de l’assistance technique et associe l’ensemble des parties prenantes de l’écosystème de la mobilisation de la diaspora ne peut être satisfait par un fonds de garantie. La structure actuelle des ressources des fonds de garantie en place, les limites des guichets ainsi que l’offre axée exclusivement sur les services financiers n’offrent pas de mesures incitatives particulières pour la clientèle de la diaspora malienne.
En définitive, pour une amélioration qualitative de l’apport d’un fonds de garantie dans le cadre de l’incitation de la diaspora à l’investissement productif, les conditions suivantes sont nécessaires :
- renforcer la légitimité institutionnelle à travers une gouvernance inclusive avec la participation des représentants des intérêts de la diaspora ;
- mettre en place un mécanisme de partage des risques par les différentes parties prenantes comme facteur clé de la légitimité technique ;
- faciliter et soutenir l’accès aux services financiers par une offre de services non financiers (accompagnement technique, formation, mentorat ou coaching) afin de permettre un taux accessibilité plus important.
Dans le cas spécifique du FGSP on pourrait imaginer la possibilité de négocier avec les parties prenantes la mise en place d’un guichet spécifique pour l’incitation de la diaspora à l’investissement productif. Un mécanisme de financement et de gestion de ce guichet devrait être élaboré de façon participative avec à la fois un portage politique et technique.
Pour ce qui est du financement il est possible d’inciter les acteurs économiques à la mise en place d’un fonds d’investissement qui sera abondé par un pool de ressources publiques et des ressources privées de la diaspora. Le fait d’avoir cette combinaison de ressources permettra, au-delà de la constitution d’un fonds de garantie simple, de mettre en place une gouvernance inclusive et d’assurer la mobilisation de l’épargne privée de la diaspora au profit de secteurs porteurs. En outre, ce fonds permettra de financer des initiatives d’investissement productif de la diaspora sur la base d’un modèle mixte (en anglais : blended finance). Ainsi une partie des ressources publiques pourrait servir à la recherche et au développement, mais aussi à la mobilisation de services d’accompagnement performants sous forme de subvention ou contribution. Le caractère spécialisé dudit fonds permettra d’apporter des réponses appropriées aux contraintes spécifiques de la diaspora. La participation des acteurs privés y compris les banques et l’existence d’un mécanisme de refinancement de celles-ci aura comme effet de les inciter à développer des produits et services adaptés à la demande de ce segment. En définitive, ce type de partenariat permettra à la fois de structurer la demande et de modéliser l’offre de services en conséquence.
Le Conseil Présidentiel pour l’Investissement pourrait servir de cadre de plaidoyer pour la mise en place de ce mécanisme. En effet, celui-ci a servi par le passé comme un espace de plaidoyer pour mettre à l’agenda des politiques publiques les questions en lien avec l’investissement dans les priorités sectorielles, cadre de négociation et d’échange entre les acteurs.
[1] Cf. African Development Bank (Banque Africaine de Développement). 2019. Création d’emplois décents. Stratégies, politiques et instruments. Document de recherche sur les politiques. (Les auteurs estiment du rapport que la population en âge de travailler devrait connaitre une augmentation spectaculaire de 165% dans les pays du Sahel sur la période 2020-2050).
[2] Chiffre de la Direction Générale des Maliens de l’Extérieur (DGME) dans un rapport 2014.
[3] Selon l’OCDE, il y a eu un afflux en Europe de plus de 50 000 personnes en provenance du seul Mali, pour la période 2011-2016. Or, il est encore probable que ces chiffres ne prennent pas en compte les migrants en situation irrégulière.
[4] Il est important de préciser que ces données sous-estiment les transferts réels du fait qu’elles n’incluent pas les coûts de transfert ni les montants réels des circuits informels (qui de ce fait échappent aux instruments statistiques).
[5] Un montant qui est nettement supérieur à l’Aide Publique au Développement (APD) pour 2017.
[7] Voir article du journal Le Monde du 15 décembre 2019, « Les transferts de fonds des Maliens expatriés augmentent avec la crise ». https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/12/15/les-transferts-de-fonds-des-maliens-expatries-augmentent-avec-la crise_6022955_3212.html#
[8] Qui demeure un réservoir important des flux migratoires
[9] Dans son étude « Enquête sur les envois de fonds des travailleurs migrants au Mali », publié en 2013, la Direction Nationale de la BCEAO estimait à 54,7% la proportion des envois qui transite par le canal informel.
[10] Concept pour décrire la bancarisation active d’un migrant dans le pays d’installation et le pays d’origine.
[11] Le rapport de Transparency International est produit sur la base des évaluations d’experts et de gens d’affaires. A la suite, chaque pays se voit attribuer un score allant de zéro (fortement corrompu) à 100 (très peu corrompu).
[12] Cf. Rapport de diagnostic stratégique, Elaboration du cadre stratégique pour la relance économique et le développement durable (CREED 2019-2023), décembre 2018.
[13] Il s’agit de définir clairement la défaillance à laquelle le fonds apporte une réponse : fournir des ressources prêtables à moindre coût ou simplement favoriser le développement de nouvelles activités (pour lesquelles les prêteurs sont hésitants)
[14] Ils peuvent être établis par les autorités publiques, des bailleurs de fonds, des banques commerciales ou des regroupements de professionnels.
[15] La proportion couverte par le garant et celle prise en charge par le prêteur.
[16] Une partie du risque étant désormais pris en charge par l’émetteur de la garantie.